DARK
FATES
L'enterrement
par Florian R. Guillon
Un vent glacial faisait frissonner les rares feuilles qui
s'accrochaient encore à leurs branches et les corps protégés d'un
manteau noir de circonstance, alors que la procession s'engouffrait
dans l'entrée du cimetière. Le mois d'octobre était bel et bien
entamé, et en son treizième jour, l'automne avait déjà bien pris
ses quartiers. Derrière le corbillard, Joe Gillian leva un instant
des yeux sans expression vers l'arbre le plus proche, qui lui
semblait avoir attendu ce moment exact pour perdre sa dernière
feuille et ainsi offrir au jeune homme le spectacle presque
inconvenant de sa nudité squelettique, comme une façon de rendre
grotesque la cérémonie de mise en terre qui allait commencer. L'âme
de poète du jeune Joe aurait apprécié l'ironie de la situation en
d'autres temps, mais son regard se détourna pour retourner se poser
sur le cercueil verni devant lui. Après tout, c'était son père que
Joe Gillian enterrait en ce jour.
Sir John Philip Robert Gillian était décédé quelques jours plus
tôt, et son fils unique pensait qu'il lui arriverait bientôt la
même chose si le prêtre continuait à rabâcher le même discours
déjà tant prononcé et paraphrasé durant l'office religieux.
Pendant toutes ces heures, Joe était resté patient, faisant
semblant d'écouter les déclarations des nombreux – très nombreux
– intervenants qui s'étaient succédé à l'église. Tous, du plus
humble au plus aisé, y allaient de leur bon mot sur Sir John,
comment il était un bon ami, un fervent chrétien, un palais
raffiné... Toutes ces interventions mises bout à bout, il devenait
possible de reconstituer la biographie du patriarche, depuis sa
naissance en 1910 jusqu'à la perte de sa première femme, Theresa
Louise Gillian née Wilhem, morte en accouchant d'une petite fille
morte-née en 1945, période où celui qui n'était pas encore Sir
John reçut une révélation divine et se mit à voyager par le monde
pendant une décennie entière, ne revenant dans le domaine familial
de Lake Gillian que pour succéder à son père et utiliser sa
fortune pour fonder son cabinet d'expertise qui se révéla d'une
grande utilité pour le peuple... et pour accroître un patrimoine
pécuniaire déjà conséquent. Puis John attendit l'anoblissement
par la Reine en 1956 pour demander en mariage Ellen Andrews, qui lui
donna un fils trois ans plus tard : Josapha John Louis Gillian.
Depuis cette époque, Sir John n'avait plus quitté
qu'occasionnellement son domaine et sa famille, où la mort vint le
prendre en cette année 1981.
L'oreille distraite, Joe s'était réfugié dans ses pensées pour
constater qu'il risquait de mourir d'un ennui pire que celui de son
père s'il devait encore supporter les ritournelles de tous ces gens
que la famille avait côtoyés au fil des ans, et savourait
secrètement le sens de l'humour du destin. Comment, en effet, mourir
d'une bête pneumonie alors qu'on avait déjà affronté des choses
bien plus mortelles et inexplicables ?
Puis vint le moment fatidique : le curé se tut, et le cercueil
de bois descendit en terre, scellé bientôt sous une lourde dalle.
Derniers recueillements en silence, puis chacun ressortit tout aussi
silencieusement du cimetière, attendant le prochain convive afin
d'offrir ou d'obtenir quelques mots de réconfort. Joe et sa mère
furent les derniers à quitter la tombe. Ellen, sous son voile noir,
ne put s'empêcher de murmurer à l'oreille de son fils : « Dire
que bientôt, c'est là que j'irai le rejoindre... » Ne sachant
quoi répondre, Joe passa son bras autour de ses épaules et la
conduisit lentement vers la sortie, le temps d'apercevoir du coin de
l’œil qu'un homme habillé de marron les observait de loin. Ces
journalistes n'ont donc aucun respect, pensa Joe en plissant les yeux
vers l'inconnu.
Sitôt sortis, Joe et sa mère furent encerclés par la famille
lointaine, les amis, les amis des amis, les curieux et même quelques
« clients satisfaits ». Les héritiers du domaine Gillian
se retrouvèrent vite accablés de conseils, de mots rassurants et
même de cartes de visite de personnes « joignables à toute
heure, pour n'importe quelle raison ». Ellen Gillian prit soin
de remercier chacun, tandis que Joe se contentait de marmonner en se
demandant si ces gens n'allaient pas en profiter ensuite pour leur
extorquer de l'argent ou des services. Il n'avait cependant pas le
courage ni l'envie de les envoyer paître, et son seul souhait était
d'en finir avec cette journée au plus vite, à tel point qu'il ne
fit aucune remarque désobligeante à ce journaliste qui prenait des
notes dans son calepin pendant que l'ambiance était aux larmes. Tout
ce qui l'importait, c'était de rentrer au domaine familial et de
fermer les yeux en étant affalé sur quoi que ce fût d'assez
confortable.
La nuit tomba, et Joe put enfin apprécier son moment de calme une
fois rentré à Lake Gillian. Il était étendu sur le lit, dans la
chambre qu'il avait occupée depuis son enfance jusqu'à ses études,
dans le noir total. La question qui lui vint était de savoir si son
père ressentait la même chose sous terre ; une interrogation
qu'il chassa bien vite de son cerveau en s'efforçant de fermer les
yeux, avec l'espoir que le sommeil l'emporterait rapidement loin de
cette affreuse journée qu'il venait de vivre. Il resta ainsi deux
heures avant que la sonnette de la porte d'entrée ne vînt le
ramener à la réalité. Il s'assit à contrecœur sur le lit quand
il entendit sa mère ouvrir. Joe se rendit compte après quelques
minutes que le visiteur était bien entré, puisque sa voix
(masculine) retentissait entre les murs de la cuisine pour se
propager jusqu'à la chambre du premier étage. Après un quart
d'heure de tergiversation et la prise de conscience qu'il
n'arriverait ni à entendre, ni à dormir en restant sur le lit, le
jeune héritier descendit lentement les escaliers pour arriver
jusqu'à la cuisine où il put mettre un visage sur la voix du
visiteur : c'était l'inconnu du cimetière.
Ce fut Ellen qui parla la première, d'un ton fatigué :
« Josapha, nous ne voulions pas te déranger, tu sais. Nous
avons un invité...
- Je me nomme Corlatius, la coupa le visiteur en levant la tête de
sa tasse de thé vers Joe. Lord Corlatius.
- Lord Corlatius était un ami de ton père, reprit madame Gillian.
Il devait nous faire part de quelque chose d'important dès ce soir.
Bien que circonspect, le jeune Joe tendit la main vers celle du
Lord, avec toute la politesse feinte qui sied à un homme de bonne
société. Il en profita pour dévisager cet étrange invité :
qui pouvait prétendre à la noblesse en portant cet imperméable à
l'usure visible, et sans s'en dévêtir en intérieur en sus ?
Mais ce détail n'était pas le moindre, puisque sur le crâne de
l'individu, des cheveux gris semblaient se battre, son visage était
incontestablement mal rasé, et surmonté de lunettes mal
entretenues. De même, les vêtements que portait ce soi-disant noble
– un costume-cravate froissé – ne reflétaient en rien la mise
d'un homme de haut rang. Mais Joe fit mine de ne s'apercevoir de rien
et s'attabla face à lui.
- Je sais bien que j'arrive au mauvais moment, jeune monsieur
Gillian, reprit Corlatius. Ou dois-je vous appeler Josapha ?
- Je préfère qu'on m'appelle tout simplement Joe.
- Et voilà que ça recommence... soupira sa mère avec une lassitude
bien ancrée.
- Je suis désolé, mère, mais je trouve que mon prénom n'est pas
franchement beau... Et puis personne n'arrive à le prononcer
correctement, alors à quoi bon ?
- Tête de bois...
Si Lord Corlatius était amusé par l'incongruité de cette
situation, il eut la décence de n'en rien laisser paraître.
- Excusez-moi, lança-t-il gentiment pour les interrompre. Je ne
souhaite pas vous importuner longtemps, aussi j'ai besoin de toute
votre attention.
- C'est vrai, répondit rapidement Joe comme pour faire taire sa
mère. Vous étiez donc un ami de mon père, c'est ça ?
- C'est exact. Je l'ai aidé il y a déjà quelques années, lors de
la fondation du Cabinet d'Expertises Gillian. A vrai dire, j'en suis
même un co-fondateur anonyme.
- Voyez-vous ça...
- Non, je ne suis pas venu pour réclamer quoi que ce soit. A part un
service que votre défunt père me devait, et qui vous incombe
maintenant à vous.
- Je ne sais pas si ça m'est possible. Pourquoi vous ne demandez pas
à ses plus proches collaborateurs ? Monsieur Fernandez est
facilement joignable à son hôtel, c'est à cinq kilomètres d'ici.
Il ne rentrera que dans deux jours en Espagne.
- C'est vous qu'il me faut, parce que c'est vous qui habitez cette
maison. Vous devez me confier un artefact que votre père conserve
ici.
- Quel artefact ?
- Je le sentirai quand je le trouverai. »
Joe se pencha en arrière sur sa chaise tout en croisant les bras.
Ce Lord Corlatius était quelqu'un de suspect, plus encore qu'un
journaliste, et ce nom d'emprunt dont l'adéquation avec sa
personnalité laissait songeur, cela faisait beaucoup trop d'un coup.
Un homme comme ça n'aurait pas pu être ami avec son père, et ne se
serait jamais présenté lors de son enterrement avec un imperméable
marron et un stetson râpé (que Joe avait réussi à distinguer sous
le bras de son propriétaire) de la même couleur.
« Je veux bien vous aider, lança finalement le jeune après
s'être accordé le temps de la réflexion. Cependant, il nous faudra
attendre demain, puisque notre petit entrepôt est sens
dessus-dessous depuis que père a commencé à perdre ses forces. Il
me faudra ranger et vérifier l'inventaire.
- Très bien, je repasserai demain à onze heures, si cela vous
convient, se décida à prononcer le Lord en se levant de sa chaise.
Merci, et inutile de me raccompagner, vous avez mieux à faire. »
Joe était intrigué par ce « mieux à faire » à double
sens. Cela pouvait tout aussi bien dire porter le deuil de l'être
mis en terre quelques heures auparavant – ou une injonction à se
mettre au travail le plus tôt possible. Dans tous les cas, ce Lord
Corlatius manquait de sympathie.
Une demi-heure plus tard, quelqu'un d'autre sonna à la porte. Joe
lui ouvrit lui-même, sachant qu'il avait spécialement appelé ce
visiteur à la rescousse. Pilar Fernandez avait gardé le même
accoutrement que lors de l'enterrement, ce costume-cravate trop serré
sur sa silhouette bedonnante qui lui donnait l'air d'un commercial
trop porté sur les déjeuners de travail. Deux détails trahissaient
une négligence dans son apparence : ses cheveux décoiffés par
le fauteuil dans lequel il s'était assoupi, et la paire de vieilles
baskets qu'il portait aux pieds pour évacuer la douleur des souliers
qu'il avait portés toute la journée. Mais Joe ne pouvait pas
s'offusquer d'une telle chose de la part d'un véritable ami de la
famille, qui comprit très vite que la nuit allait être longue.
Trois heures plus tard, tous deux étaient enfermés dans le bureau
de feu Sir John qu'ils avaient mis à sac. La moquette était
couverte de dossiers et de feuilles volantes sur lesquels chacun
faisait extrêmement attention à ne pas glisser, un exercice de plus
en plus difficile à mesure que la nuit avançait.
« Bon, on a déjà deux-trois trucs, je vais pouvoir faire une
pause, dit le quinquagénaire espagnol en se laissant tomber contre
la porte du bureau.
- Ouais, mais il manque encore le principal.
- Tu te rends compte que c'est toi qui vas devoir ramasser tout ça,
Jojo ?
- Pilou, si c'est moi qui dois reprendre l'affaire, autant que ce
soit mon propre rangement, non ?
- Ouais, mais John... paix à son âme... était méticuleux. Toi,
pour ce que je m'en souviens, tu as pris du côté de ta mère.
- Si tu t'inquiètes tant pour la santé du cabinet, je peux aussi
bien te virer dès que la succession est effective.
- Parce que tu veux vraiment prendre la suite de ton père ? Je
me souviens que vous arrêtiez pas de vous engueuler à cause de ça,
parce que lui voulait et toi pas.
- J'ai réfléchi, et... Bon, tu sais ce que je pense de mon père,
hein. Mais je pense que prendre le flambeau quelque temps serait pas
mal, le temps de trouver quelqu'un de qualifié.
- Fais gaffe, on est dans un milieu où il est difficile de
distinguer les gens qualifiés des opportunistes et des charlatans,
tu sais... »
Le silence se fit pendant les deux heures suivantes, alors que Joe
et Pilar commençaient à piquer du nez. Le quinquagénaire
s'accrocha à la table du bureau pour étaler quelques dossiers.
« On va faire le point. Ton père conservait pas mal de trucs,
tu te souviens de cette main courante qu'il avait pour noter ce qu'il
pouvait pas approfondir sur le moment ? Il a relevé cinq
occurrences d'un homme avec un imperméable marron et un chapeau de
cow-boy : une à Séville en 1951, une autre à Deliah Hill en
1971, une à Lusignan en 1972, et deux aux alentours de Lake Gillian
en 1976 et 1980.
- Et ça nous apporte quoi ? C'est pas sûr que ce soit le même
type.
- Celui de 1951 a disparu d'un coup, on l'a vu tous les deux avec ton
père, je m'en souviens. Mais j'ai pas cherché plus loin, à vrai
dire. Et les autres fois, ton père était tout seul.
- Attends... J'y étais, à Deliah Hill. Et je me souviens pas d'un
mec comme ça. En revanche, je me souviens que...
- Oui, que ton père t'a engueulé comme du poisson pourri parce que
tu jouais à touche-pipi avec une des villageoises. Crois-moi, j'en
ai entendu parler aussi. Mais c'est pas le sujet. Regarde ça.
Pilar avait ouvert sur le bureau un dossier annoté « Apparitions »
où s'entassaient des coupures de journaux remontant jusqu'au début
du siècle. Joe fixa son interlocuteur :
- Tu viens m'apporter la preuve que le vieux pouvait être
bordélique ?
- Non, regarde les notes sur les coupures. On retrouve une silhouette
sur pas mal de photos qui pourrait bien être ton Lord. Et si tu
couples avec ça...
- Attends, c'est tout à propos du même type ? Ça veut dire...
- Ce que ça veut dire, c'est que ton Lord semble apparaître à
différents moments de l'histoire, toujours en lien avec des affaires
sordides. Je crois même qu'il est apparu dans un ou deux rapports de
mon cabinet, en Espagne. On est en plein dans le paranormal. »
Le mot était lâché. L'affaire de Sir John Gillian avait beau être
florissante, elle provoquait une certaine gêne, et jamais il
n'employait le terme « paranormal ». De cette façon, sa
crédibilité avait été sauvegardée, et peu de gens l'avaient
jusqu'ici considéré comme fou. Joe n'avait pas encore pris
officiellement la relève de son défunt père qu'il était déjà
sur la brèche, et il comptait bien résoudre mettre un terme à
cette étrange affaire.
« La question n'est pas là, fit remarquer Joe. Nous n'avons
pas le temps de savoir quel genre d'homme c'est... s'il s'agit d'un
homme. La vraie question, c'est ce qu'il veut aux affaires de mon
père en particulier.
- La réponse se trouve sûrement dans la chambre forte. »
Terrassés par le sommeil, Joe Gillian et Pilar Fernandez se mirent
en marche non sans mal et descendirent les escaliers qui menaient à
la chambre forte. Joe avait pour coutume d'appeler cet endroit « le
Saint des Saints », ce qui avait pour conséquence – et but
avoué – de faire enrager son père qui n'aimait que l'on tourne la
religion en dérision.
La lourde porte ouverte, les lumières s'allumèrent timidement dans
les petites rangées. L'endroit ressemblait presque à une
bibliothèque, sauf que les livres étaient ici remplacés par des
objets des plus divers : couronnes de cheveux, poupées
ensorcelées, poignées de porte rouillées, moulages de curieuses
empreintes... Un vrai bric-à-brac moderne dans lequel on ne pouvait
trouver que des choses pittoresques et inutiles en l'état, toutes
étiquetées par numéro de dossier et par année. Seule une étagère
au fond de la pièce portait des objets qui n'avaient pas de numéros.
« La seule chose qui correspond, c'est cette espèce de boîte
scellée, remarqua Pilar.
- Qu'est-ce qu'on en fait ?
- On l'emmène. Après, c'est toi qui vois. »
A onze heures du matin très précisément, la sonnette de la maison
de Lake Gillian retentit. Lord Corlatius n'attendit pas qu'on vînt
lui ouvrir et entra pour trouver les occupants de la demeure dans la
cuisine. Comme pour signifier les bonnes manières, il avait déjà
ôté son chapeau, mais Ellen, Joe et Pilar, fatigués comme ils
étaient, ne firent pas mine de réagir. Néanmoins, Joe se leva de
sa chaise et fit signe à Corlatius de s'asseoir.
« Grande nouvelle : nous avons retrouvé ce qui est à
vous. La grande question est : on en fait quoi ?
Lord Corlatius écarquilla les yeux : comment était-ce
possible ? Il avait compté sur la crédulité et l'inexpérience
de son hôte, mais il l'avait, de toute évidence, bien mal jugé.
- Je connais votre histoire, monsieur le Lord, reprit Joe Gillian
avec un air légèrement courroucé. A chaque fois que vous
apparaissez, vous laissez des morts dans votre sillage – et je ne
parle que de ceux qu'on retrouve. Alors vous allez répondre à ma
question : pourquoi ?
- Pourquoi j'ai fait tout ça ? Pourquoi j'ai besoin de
retrouver la boîte ? Le fait que vous soyez ici prouve bien que
vous ne l'avez pas utilisée et que vous ignorez totalement ce
qu'elle est !
Voyant son invité commencer à s'agiter, Joe s'empara de la
carabine modifiée qu'il avait posée à côté de lui et la pointa
sur Corlatius.
- Vous feriez bien de garder votre calme. Mon père a réussi à
abattre un loup-garou avec pour seule arme un vieux tromblon qu'il
avait chargé avec une fourchette. Maintenant, on a de vraies bonnes
armes et le vieux m'a bien entraîné pour que je lui succède. Alors
mouftez pas ou je vous plombe !
Sous le canon de l'arme, Lord Corlatius expira et reprit son calme :
- J'espère que vous n'avez pas touché le bois de la boîte...
- Elle est en plomb, et impossible à ouvrir, ajouta Pilar.
- Alors pendant toutes ces années, fit le Lord en se laissant tomber
sur sa chaise. Pendant toutes ces années, elle est restée là, et
Gillian a refusé de me la rendre. Il me l'a confisquée à Séville,
vous savez. Il a dû la sceller à un certain moment dans une autre
boîte.
- Alors pourquoi je ne l'ai jamais vue ?
- Vous êtes Fernandez ? Vous n'avez jamais vu de boîte en
bois ?
- Pas entre les mains de John, non. Mais maintenant que vous le
dites, on était avec d'autres. Et on n'a plus jamais eu de nouvelles
depuis... 1952, je dirais.
- Alors John n'est pas mort de...
- Il a chopé une pneumonie, le coupa sèchement Joe toujours en
joue. Donc, qu'est-ce que c'est que votre truc ?
Corlatius expira une nouvelle fois.
- Il s'agit d'une arme. Je comptais l'utiliser au cas où les
Likkktalzzz auraient conquis cette Terre, mais... Je n'en ai pas eu
besoin, et ils ne reviendront plus menacer votre univers. Néanmoins,
cette arme reste dangereuse tant qu'elle existe.
- On peut la détruire ?
- Il n'y a qu'une personne qui peut le faire, et c'est moi. C'est
pour ça que vous devez me la donner.
- J'ai pas confiance.
Les mains de Joe Gillian commençaient à devenir noueuses, ce qui
n'échappa pas à Lord Corlatius, qui se leva d'un bond et arracha
sans effort à son hôte la carabine qui ne pouvait plus menacer
personne.
- Bien, fit la voix retentissante du Lord. Tu as assez joué au dur,
alors tu vas me donner cette foutue boîte !
Décontenancé, le jeune homme essaya de reculer, mais trébucha sur
la dite boîte qu'il avait gardée à ses pieds durant tout ce temps.
Sous les yeux médusés du trio, Lord Corlatius ramassa ce qu'il
était venu chercher et le prit à pleine main. Un feu d'origine
inconnue se matérialisa alors et détruisit l'objet sans en laisser
une trace, puis l'homme fixa d'un regard perçant le jeune Joe
Gillian, comme pour lui signifier qu'il venait de se faire un ennemi,
avant de se volatiliser.
Les trois occupants de la maison mirent un certain temps à se
remettre de cette visite, avant de se rendre compte qu'ils n'avaient
désormais plus à s'attendre à revoir ce Lord sinistre. Il avait eu
ce qu'il demandait, et la famille Gillian n'avait plus de quoi
l'intéresser.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire