jeudi 17 novembre 2022

La métaphore du coffre à jouets, nouveau chapitre


La métaphore du coffre à jouets, nouveau chapitre.


Comme vous le savez, j'aime bien mettre la main dans le coffre à jouets qu'offre le domaine public, ce qui ne m'empêche pas de créer mes propres jouets. En général, je mélange très peu les deux, mais des fois...


Prenons le personnage de Die Letzte, tarzanide moderne. Son origine tient en quatre pages (j'ai le storyboard sous la main pour en attester). Problème : les possibilités pour qu'elle évolue seule dans la jungle, sans des amis humains de tribus indigènes vachement roots ou des animaux dont elle aurait appris à parler la langue, sont assez limitées. Car non, si ces ressorts narratifs fonctionnaient il y a un siècle, il n'est pas possible de les réutiliser pour une création du XXIe siècle. Est-ce pour autant la mort de l'imagination ? Non, mais à condition d'utiliser intelligemment d'autres ressources.
C'est là qu'arrive la nécessité d'ouvrir le coffre à jouets public, afin de trouver avec quel autre jouet Die Letzte pourrait interagir dans le but d'enrichir son histoire, en évitant soigneusement de recourir à un imaginaire daté et quelque peu litigieux, au regard des mœurs actuelles (ce qui se comprend tout à fait).


L'imagination, la création, ce n'est pas un processus ex nihilo. Elle se nourrit de nos vies et de nos expériences, et de ce que nous avons vu, entendu et lu. On s'inspire tous de quelque chose, à des degrés divers. Prétendre le contraire serait mentir. Ce qui fait la différence, c'est la façon dont notre imagination traitera les éléments bruts que nous mettons à sa disposition, voire même la vitesse à laquelle elle sera capable de les traiter. Cela ne fonctionne pas à vide. Et plus il y aura de carburant, mieux ça fonctionnera.


Utiliser le coffre à jouets public ne stimule pas forcément l'imagination de la même façon, car ceux-ci sont chargés de beaucoup d'histoires. On peut donc choisir de rester prudemment sur les sentiers battus, comme un hommage, ou bien choisir de s'en éloigner au bout d'un moment. Autrement dit, on peut rester sur le vieux jouet ou bien le faire interagir avec celui qu'on vient de créer. Certaines personnes se sentent plus à l'aise dans l'hommage, d'autres auront tendance à prendre ce qui leur plaît pour créer une histoire qui s'en détache.

Dans mon cas, j'ai pris le parti d'enrichir mes créations en y ajoutant des petites touches empruntées aux histoires qu'il m'arrive de traduire. L'exemple le plus probant est l'inclusion de Ghost Woman dans Dark Fates, officialisée dans la nouvelle "La femme fantôme". Mon idée est d'ajouter une strate complémentaire à une histoire neuve, et non de m'appuyer complètement sur le passé pour raconter mon histoire. Pour autant, hors de question de dénigrer les auteurs qui ne suivent pas ma méthode, puisque je suis très friand de voir à chaque fois ce que les créateurs, qu'ils soient mes amis ou non, peuvent bien faire des jouets bien connus qu'ils ont à leur disposition.

En conclusion, il n'y a pas de bonne ou mauvaise façon de faire : il y a celle qui vous convient. Dans tous les cas, donnez-vous à fond.

dimanche 24 juillet 2022

Une petite histoire brûlante

 

Ce billet est un complément à l'arcadianecdote des 10 ans que j'ai postée sur le blog d'Arcadia.

Il revient sur les jours qui ont vu se développer le projet Forgotten Generation. Toutefois, je vais éviter de faire trop dans la redite, parce que le sujet a été quand même pas mal traité. 

Ou comment nous sommes passés de l'image de gauche à celle de droite.



Il est de notoriété publique, désormais, que les graines véritables ont commencé à être plantées fin 2007/début 2008, par mes nombreux échanges avec Sophie, dont je voyais le potentiel artistique. Il est aussi de notoriété publique que le projet a été présenté sur le forum de La Tour Des Héros. Voilà pourquoi sur la couverture de Brûlant, représentant Arsinoë de World Justice, vous pouvez trouver ce logo naïf de LTDH.

Pourquoi Brûlant ? Parce que je trouvais, à l'époque, que ce serait cool de reprendre le nom d'un vieux magazine. Non mais, en fait, même maintenant, j'adorerais faire ça. Et n'oubliez pas qu'à l'époque, Strange venait d'être relancé par Organic Comix. Mais c'est aussi parce que mon modèle avoué, c'était les petits formats Arédit-Artima, avec leurs histoires de complément tirées de titres horrifiques. Finalement, cette couverture était plus un petit délire/hommage qu'un prototype, et nous sommes partis sur un titre original.

Et pourquoi Fantomah ? Parce que je trouvais le concept intéressant et qu'il fournissait un bon contrepoint avec nos BD originales. Je crois que Stardust (autre BD de Fletcher Hanks haute en puissance expérimentale) aussi avait été envisagé à une autre période. Mais le problème, c'est que chez Actes Sud, ils avaient déjà publié la moitié de ces épisodes dans un premier volume de l'intégrale des BD de Fletcher Hanks, et finalement, le reste a été publié dans un deuxième volume (ces deux albums ont depuis été réédités en un seul et même épais volume cartonné). Risquer de marcher sur les plates-bandes d'une maison d'édition confirmée n'étant certainement pas le meilleur moyen de commencer, nous avons laissé tomber pour aller chercher The Green Claw

Et un dossier Leiji Matsumoto ? Alors là, c'est parce qu'on avait pensé mettre du rédactionnel, et quoi de mieux qu'un dossier sur un mangaka à l'œuvre marquante ? Car oui, le vaisseau d'Albator a donné son nom à l'association, au bout du compte. Leiji Matsumoto est un auteur dont j'apprécie particulièrement la production. Dès lors, pourquoi avoir laissé tomber les dossiers ? Je crois qu'on a privilégié le contenu BD/création. On a bien eu une page rédactionnelle sur Jack Cole, mais bon... Je réfléchis parfois à remettre plus de rédactionnel dans Forgotten Generation, mais je ne suis pas sûr qu'il y en ait besoin pour le moment, vu que les numéros sont déjà bien remplis. On verra.

Et enfin... que sont ces trois cristaux sur le logo de Dark Fates ? Je crois que c'est une piste que j'ai oubliée, bien que je viens de ramener cette histoire de cristaux dans FG6. Mais quand vous le reverrez, ce ne sera plus lui.

Ah oui, entre le dessin de gauche et le dessin de droite, il s'est écoulé 10 ans !

vendredi 1 juillet 2022

Dark Fates, seconde vie

Encore un billet que je commence à écrire, comme bien d'autres en mai et juin. Cette fois, c'est pour parler à nouveau de cette bande dessinée qui rythme ma vie depuis bien longtemps : je veux bien sûr parler de Dark Fates.

Résumons : j'ai dessiné le premier épisode en 2008 pendant un semestre déjà validé. J'ai pris le projet qui me tentait le plus et je me suis lancé sans trop de filet. Puis j'ai enchaîné avec le deuxième épisode un peu plus tard, et commencé le troisième avant de m'arrêter en 2009, attendant la publication effective des deux premiers. Dark Fates a commencé à être publié dans Forgotten Generation à partir de mars 2011, soit trois ans après avoir été dessiné. J'avais vachement évolué entretemps, j'ai eu quelques critiques là-dessus, ce qui fait que j'ai commencé à proposer des pages toutes neuves à partir de 2012, ce qui n'est pas plus mal.

Je n'avais pas vraiment prévu la périodicité de Forgotten Generation. J'avais dû me dire qu'en sortir deux par an serait bien, mais n'étant pas tout seul à faire le bouquin, il a fallu s'harmoniser. La périodicité s'est donc fixée par défaut à un numéro par an. 

Puis les festivals se sont multipliés, et l'envie de proposer des rééditions de Dark Fates en albums s'est fait ressentir. Malheureusement, la périodicité annuelle n'est pas idéale pour une saga, et encore plus quand il y a trop de différences de niveau entre le début et le présent, et il faudrait tout refaire pour harmoniser l'ensemble. Alors, que faire ? J'ai opté pour une solution simple : ne rien changer, mais diffuser les archives sur Internet.

Il ne s'agit pas d'un divorce avec Arcadia Graphic Studio, puisque j'ai encore beaucoup de projets à concrétiser avec l'association et ses membres, et je suis fortement emballé en voyant ce qu'on prépare. Dark Fates va juste bénéficier d'une vie supplémentaire sur Mangadraft, un complément pour faire découvrir mon univers. Vous retrouverez toujours Ewen Merrick au sommaire de Forgotten Generation et en tandem avec d'autres illustres personnages publiés dans les pages de la revue.

Voici donc le moyen de découvrir ou redécouvrir Dark Fates et mon évolution dans la BD :

https://www.mangadraft.com/comics/dark-fates


L'avenir se joue actuellement, mais fera l'objet d'une bonne grosse news sur le site d'Arcadia. En attendant, vous pourrez retrouver un inédit de Dark Fates dans Forgotten Generation 6, en vente très bientôt !

mercredi 4 mai 2022

Exposition Seconde Vie à Poitiers

 


Vous pouvez y retrouver plusieurs de mes œuvres, alors n'hésitez pas à y aller ! 

dimanche 24 avril 2022

Petite pub pour les copains !

Les souscriptions de Futura ° 11/44 sont ouvertes. Sortie fin mai/début juin.
Avec Chris Malgrain, James Mason, Pat Lesparre, Ant Man, Cyrille Munaro, Chris Compin, Jean Depelley, Rhom...
62 pages sur papier couché mat 110 g.
couverture sur carte couchée 300g. Pelliculée mat. Dos carré.
10 euros + 5 euros de port (7,50 Suisse et Belgique).
Paypal à lugdunumcomicsAgmail.com (remplacer le A par @).
Avec votre adresse.
Merci, nous comptons sur vous : R___________'22.
 

samedi 29 janvier 2022

Aventures Fiction, l'histoire oubliée de 2012-2013

 

En l'espace de quelques années, on a vu renaître pas mal de grands noms des revues comics et associées -  je vous renvoie à mon dernier article consacré à Strange. Ainsi, on a vu défiler Etranges Aventures, Futura, Mustang, et plus récemment Fantask (un mook sur la pop culture). Aussi, je me suis dit, dans ma tête de 10 ans de moins : pourquoi je ne relancerais pas un ancien titre à mon tour ? (pour info, ce n'est pas aussi simple)

En 2012, alors que je rédigeais mes premières traductions professionnelles, j'ai revu Jean Depelley, scénariste, écrivain, journaliste et traducteur, notamment pour deux revues que j'appréciais particulièrement : Golden Comics et Golden Titans. Dites-vous bien qu'à l'époque où ces revues paraissaient, soit entre 2009 et 2010, c'était alors le seul moyen de lire des comics du domaine public en français, avant que le créneau ne devienne porteur parmi les petits éditeurs. Dites-vous bien que sans Golden Comics, Jean Depelley et Fred Treglia, l'homme derrière tout ça, l'engouement pour les comics oubliés n'aurait jamais pris autant. Aurait-on eu The Green Claw dans Forgotten Generation 0 ? Disons que les grands esprits se sont rencontrés. Mais je digresse.

Ce soir de la fin de l'automne 2012 (presque l'hiver), nous avons passé des heures à discuter avec Jean, et je me suis dit en mon for intérieur : et si c'était moi, via Arcadia Graphic Studio, qui sortais les épisodes qui restaient à publier dans Golden Comics et dans Golden Titans ? Malheureusement, on était encore aux débuts de l'association, et nos moyens étaient rudement limités (nous étions loin de pouvoir imprimer en couleurs), donc cette idée a dû être tuée dans l'œuf.

Cependant, l'idée d'une revue dédiée à la traduction a fait son petit bonhomme de chemin, et s'il n'était pas possible de reprendre Mustang (j'avais adhéré à la dernière formule du petit format à l'époque, même si ce n'était pas du goût de tout le monde), j'ai fini par trouver : Aventures Fiction. Aventures Fiction, pour resituer, c'est une revue qui a débuté en 1958 et s'est arrêtée en 1987 après quatre volumes différents, dont les deux premiers étaient dédiés à la publication de séries DC Comics. Pour accueillir des BD de genres différents, le nom n'était pas mal. J'ai même ébauché, un soir, un prototype de couverture en couleurs directes, pas vraiment ma meilleure production. Puis, début 2013, j'ai lâché le projet. C'est alors qu'Antonio Pastucci, alors responsable de Vortex Comix, qui était à l'époque un blog reprenant des comics du domaine public traduits en français, m'a contacté pour me demander s'il pouvait reprendre le titre pour lui-même. Il m'a alors proposé d'écrire une préface, que voici dans son intégralité : 


 Quand Antonio m'a demandé de faire la préface de ce premier opus d'Aventures Fiction « ressuscité », j'ai été à la fois honoré et surpris. Ma seule contribution avait été de donner la permission d'utiliser ce titre sur lequel j'avais mis une option, aussi c'était peu pour justifier un texte de ma part.


Cependant, en y réfléchissant, j'ai pu comprendre ce qui avait motivé mon camarade : nous avons en commun une passion pour le célèbre « âge d'or » des comics, et nous avons chacun de notre côté œuvré pour sortir certains de ces personnages de l'oubli. Et quand je vois le travail accompli par l'équipe de Vortex Comix, je vois que ce jeune label a décidément sa place au sein du « marché de la nostalgie ».


Il faut bien savoir une chose : l'âge d'or des comics est un sujet très vaste recouvrant une période de près de vingt ans, et cette frénésie créative est comme un équivalent de la ruée vers l'or pour le vingtième siècle. Mais parmi ces pionniers, beaucoup ont été oubliés par l'Histoire (tout comme leurs créations). Pensez : la plupart étaient de jeunes gens dont l'objectif était de gagner un peu d'argent avant de pouvoir intégrer des métiers plus « glorieux », comme la publicité. C'est pourquoi il existe un patrimoine si conséquent que son exploration est un travail à plein temps, entre retrouver les fascicules d'époque et identifier le contenu (sans parler de le conserver numériquement).


Ayant bien étudié le sujet depuis plus de cinq ans, je reste pourtant étonné de voir que le sommaire d'Aventures Fiction a comme un goût d'inconnu pour moi : en effet, Red Demon, Nightmare et Wildfire font partie de ces personnages oubliés parmi les personnages devenus orphelins, dont les plus connus sont sans conteste Wonderman (premier « clone » de Superman interdit par National Periodical), Daredevil, Black Terror, Green Lama, Thun'Da... Bref, il reste tant de ces concepts à redécouvrir qu'il est impossible de tout connaître.


Mais bien sûr, partager les aventures antédiluviennes de ces héros n'est qu'un premier pas pour les faire sortir de l'oubli. Pour revenir à leurs créateurs, ceux-ci pouvaient produire en masse sans réellement s'impliquer, et ainsi laisser à l'état d'ébauches des concepts qui auraient pu s'imposer si les conditions avaient été réunies, mais la route de l'âge d'or est pavée d'éphémères maisons d'édition aux publications éparses et d'auteurs souvent très mal renseignés sur leurs droits. De fait, rares sont ceux qui ont réussi à aller au bout de leurs idées.



C'est là, par conséquent, que le travail commence, et que Vortex Comix sortira de l'oubli tous ces héros du néant dans lequel ils avaient disparu.


Maintenant, il est temps de partir pour l'aube de l'héroïsme coloré, en compagnie du trait des regrettés Will Eisner et Frank Frazetta !



Florian R. Guillon (président de l'association Arcadia Graphic Studio, auteur des BD Dark Fates et Esprit Vengeur, traducteur de comics)


 La suite des événements, c'est que cette revue, qui devait avoir cette couverture représentant Wonder Man, n'a jamais vu le jour sous cette forme. Vortex Comix lancera finalement en août 2014 une revue The Legends of the Golden Age en impression à la demande, en petit format, avec le contenu du blog en noir et blanc, à l'exception du troisième et dernier numéro en couleurs, avec Wonder Man en vedette. On ne les trouve plus sur lulu.com depuis quelques années, et Vortex Comix a changé de nom pour devenir Yamraj Comics. Ils publient toujours des comics du domaine public, mais ils réutilisent également les personnages dans de nouvelles aventures. Et avec Arcadia Graphic Studio, on bosse souvent avec eux.

Mais l'Âge d'Or des comics ne s'est pas éteint chez Arcadia pour autant, puisqu'outre deux albums spéciaux consacrés à Black Terror et à Barry Kuda, Jane Drake, Spider Queen, Ghost Woman, Strongman, The Lynx et Red Panther sont passés par les pages de Forgotten Generation et Forgotten Generation Extra. Et ce n'est pas fini. 

Et qu'est devenu Aventures Fiction, dans tout ça ? Eh bien, c'est tout simplement devenu le nom du podcast de Xavier Fournier, des émissions passionnantes sur les comics et ceux qui les font.


mercredi 26 janvier 2022

Strange, la légende

 

Pour le lectorat de comics en France d'un certain âge, il y a certaines choses qui touchent au sacré, mais Strange est sûrement le summum.

Strange est le magazine qui a pérennisé les comics Marvel dans l'hexagone, après les tentatives étouffées par la censure qu'étaient Fantask (là aussi, un titre qui touche au sacré) et Marvel. C'était en janvier 1970. Au sommaire, on y trouvait les X-Men, Iron Man, Daredevil et Silver Surfer. Bien évidemment, ça a évolué par la suite, notamment quand Spider-Man (l'Homme Araignée, ou l'Araignée jusqu'en 1998) s'est installé définitivement à bord à partir du numéro 18, devenant la star du journal. 

Cette formule aurait pu durer au-delà de sa vingt-sixième année et de son 324e numéro, si Semic avait encore eu les droits Marvel. Coup dur révélé en décembre 1996 dans toutes les revues de l'éditeur : "Marvel, c'est fini". En réalité, l'éditeur américain était de retour dès février 1997 sous la houlette de Panini, ce que peu de gens savaient car, à l'époque, Internet était fort peu répandu. Semic, privé de sa locomotive, a donc dû acheter de nouvelles licences.


La surprise était totale quand, en mai 1997, apparut dans
les kiosques le numéro 325 de Strange, avec Batman, JLA, Wonder Woman et Flash ! Du matériel entièrement DC Comics ! Sacrilège ! Cette formule n'a pas dû prendre, puisque dès le numéro 332, Flash et Wonder Woman, en pleine saga, ont été remplacés par Sovereign Seven (à l'épisode 15) et Impulse. Mais le mal était fait, et Strange repartit dans les limbes au numéro 335, en mars 1998. 

Et pourtant, le célèbre magazine finit par revenir là où on ne l'attendait : chez Organic Comix. Le fondateur, Reed Man, a contacté les héritiers de Jack Kirby, ainsi que Tom Scioli, et c'est donc à un magazine sous le signe du King auquel nous avons eu droit jusqu'en 2012, puisqu'outre Reed Man et Tom Scioli se réclamant de l'influence Kirby, ils ont été rejoints par Jean-Marie Arnon, au style pas si éloigné. Outre des inédits de Kirby et des BD dans le style du maître, on a eu droit à Chris Malgrain, Jim Arden, Chott, Jean-Yves Mitton... Un vrai festival !

Mais malgré cette orientation, le Strange version Organic Comix est toujours vu par une frange du lectorat comme un sacrilège, un truc qui ne vaut rien ou qui n'existe pas, un "Strange de kékés" (lu sur les réseaux sociaux, où je me suis fait même insulter à l'époque pour avoir défendu ce Strange - heureusement que je n'ai pas précisé que j'étais abonné et dans la street team)... Donc, pour ces gens-là, il faut un Strange comme à leur époque, avec les personnages Marvel, pas sur papier glacé, et pas les épisodes modernes qui sont nuls. J'ai fait la synthèse des critiques. Je pourrais y répondre par un "OK boomer" tout à fait approprié. Je passerai sous silence le Strange Collector repris par Semic, un fascicule d'accompagnement pour vendre des plaques en métal de héros Marvel. Je ne sais pas si les vieux râleurs mentionnés plus haut sont montés au créneau pour dénoncer le foutage de gueule. Concernant le fait que la marque soit désormais entre les mains de Xavier Fournier (journaliste, conférencier, historien des comics), les râleurs attendent (sauf un), mais un plaisantin s'est déjà amusé à raconter qu'il était impliqué dans cette relance de Strange et dans celle de Spécial Strange (un projet différent, une collaboration entre Organic Comix et Original Watts)... autant dire qu'il s'est vite fait recadrer !

Etant tombé dans les comics à l'âge de 11 ans en août 1996, je n'ai donc pas appris à lire dans Strange, et je n'en ai pas acheté cette année-là. Cependant, j'avais un copain qui avait le numéro 308 que je lui ai souvent emprunté avant qu'il ne finisse par me le donner. Dedans, il y avait Deadpool, Spider-Man, Iron Man et Avengers (à l'époque, on disait "des espèces de X-Men", car c'était la référence en matière d'équipes de super-héros, étant donné que c'était la seule qu'on voyait à la télé). Ce n'était plus l'âge d'or qui, si j'en crois certaines personnes, s'était de toute façon terminé en 1983... J'essaie de comprendre. 

J'ai vécu en direct le lancement du Strange DC avec surprise, mais ce jour-là, j'ai préféré me faire acheter un album relié de trois numéros de Nova. Mon premier Strange, j'ai attendu août 1997 pour l'acheter, et c'était le 185. Pourquoi ? Parce qu'à l'époque, dans mon Shopi, il y avait à la caisse un étalage de pochettes promotionnelles de revues invendues un peu anciennes. C'est comme ça que j'ai bâti ma collection, ainsi qu'avec les albums reliés qui regroupaient les numéros invendus par deux ou trois, pour un prix réduit. C'est ainsi que j'ai récupéré pas mal de revues Semic/Marvel, car cet éditeur pratiquait la mise en vente d'albums reliés environ un an après la première parution. Ils ont cessé de le faire en 1998. Le concurrent Panini, qui a les droits Marvel depuis 1997, n'a en revanche jamais fait ça. A la place, ils ont sorti des coffrets de l'intégralité des revues Avengers et Silver Surfer de 1997-1998. Un gros investissement pour un lecteur jeune, qui a donc dû s'en passer (je crois n'avoir complété la collection d'Avengers qu'en 2008 ; quant à Silver Surfer, je n'ai que le numéro 13 et et je n'en ai jamais vu d'autres depuis). A partir de 1998, je n'ai vu qu'occasionnellement des pochettes promos. 

Ah, et puis Strange 308 est lié à de mauvais souvenirs, aussi. Sachez qu'en 1997, il était très mal vu de lire (bon, déjà, rien que le fait de lire, c'était pas top) Strange ou toute autre revue de comics au collège. Les super-héros étaient encore très très loin d'avoir acquis leurs lettres de noblesse au cinéma et étaient don cantonnés à des dessins animés, et que les dessins animés, c'est pour les enfants. On ne parlait pas de culture geek, à l'époque, on avait juste des secrets honteux à cacher au monde. Le collège, c'est vraiment un monde de merde.

Pour conclure, je suis impatient de découvrir les nouvelles versions de Strange et Spécial Strange. Je me demande comment les vieux râleurs vont réagir quand on en saura plus. Moi, je suis confiant dans les porteurs des projets.