La vie est étrange, non ? Je parlais dans le précédent billet de la génération oubliée, nourrie aux comics, etc., qui m'avait donné envie de monter un fanzine, et voilà que ma propre BD n'a que peu de rapports apparents avec cette génération. Et pourtant...
Remontons à 1998 : un garçon de 13 ans, juste sorti de la lecture du Judgment Day d'Alan Moore, est attiré vers sa table à dessins un matin de septembre. Fortement influencé par sa lecture, il se mit à semer, à l'instar de son modèle, les graines d'un univers partagé, avec des personnages atypiques et tous très différents. Échaudé par son expérience précédente (moqueries de la part de ses camarades, création de nombreuses BD pour le journal du collège qui n'en voulait pas... ou plutôt UNE personne qui refusait systématiquement tous les projets...), il décida d'éviter les super-héros costumés pour mieux s'attarder sur une bande de jeunes adultes qu'il appela les Challengers du Macabre. Ils avaient tous les attributs de super-héros (force surdéveloppée, hybridation, etc.), mais étaient jeunes et combattaient des vampires, loups-garous, monstres, etc. Des super-héros sans costumes. Puis les circonstances ont fait que ces personnages ont été relégués dans des cartons en attendant des jours meilleurs.
2002 : le même garçon, alors âgé de 16 ans, avait découvert Fantask l'an passé. Mais pour suivre ses séries préférées après l'arrêt prématuré de ce magazine, il dut sauter le pas et passer au petit format Mustang, qui proposait alors, outre les nouveaux venus Wampus et Ozark, les aventures de Zagor et surtout de Martin Mystère, le détective de l'impossible. Le style noir et blanc très particulier des petits formats exerçaient un charme sur le jeune Florian, qui reprit dès lors la création mais dans un domaine plus étrange. Mais vinrent la terminale et l'entrée en fac, qui repoussèrent encore ces choses-là dans des cartons.
2007 : à 21 ans, le jeune garçon qui était devenu un jeune homme barbu finissait par reprendre pour de bon ses crayons, avec la ferme intention de se publier. En reprenant ses personnages, il finit par développer le projet le plus cher à son cœur : Dark Fates, résultat de longues réflexions, remises en cause, approfondissements et digressions autour des Challengers du Macabre, nourris des nombreuses influences ingurgités au cours de la décennie passée.
2008 : l'histoire enfin formulée, la réalisation commença, tandis que la découverte des personnages du domaine public américain apporta de nouvelles perspectives au projet. C'est ainsi que les personnages de The Claw, Stardust, Green Lama et Fantoman trouvèrent leur place dans le récit, non sans quelques transformations néanmoins logiques. Le monde des super-héros rejoignait celui de la magie par le biais de ces personnages oubliés, même si le côté super-héros avait complètement cédé la place au fantastique, avec une narration très inspirée par Heroes.
C'est ainsi que le Dark Fates définitif apparut enfin : un format d'une vingtaine de pages propre aux comics, un graphisme épuré empruntant à Mike Mignola, Steven Gordon et Bruce Timm, une narration impliquant de nombreux personnages comme dans Heroes, des mystères insolvables au sein d'un monde résolument ancré dans le réel mais sans véritable explication ou logique comme dans les enquêtes de Martin Mystère, un groupe de personnages très différents et jeunes qui rappellent un peu les Challengers du Macabre, des mythes, légendes et faits divers passés au crible façon X-Files, mais surtout, la quête sous-jacente de l'identité chez l'individu face à l'inconnu que devient sa vie future.
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