samedi 26 juin 2010

Interview lynchienne de Gilles Boverod (Georges Daniel)

Voici la deuxième interview tant attendue, celle de Gilles Boverod. Alors oui, on l'attendait depuis assez longtemps, mais quand on voit le résultat, ça valait vraiment le coup ! Gilles Boverod est l'auteur des aventures du super-héros Georges Daniel, qui paraissent actuellement dans le fanzine Grand Dédale (dont le numéro 3 vient de sortir ; admirez la couverture colorisée par Fred Grivaud !), et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas avare en informations ! Maintenant, place à la star du jour :



-Tout d'abord, bonjour, Gilles. Peux-tu te présenter brièvement pour les milliards de malheureux qui ne te connaissent pas encore ?
Je suis né le 09 Mars 1968 dans une petite ferme du nom de Faux au fin fond du Lot-et-Garonne. Je suis le dernier avec huit ans de différence de cinq enfants, avec deux sœurs aînées et deux frères. Tout enfant, dans la même chambre que mes deux frères, j’ai été bombardé par les Johnny Hallyday, les Elvis Presley, les Beatles, les Rolling Stones, Police et autres vagues rock des années 70.
Au milieu de la fièvre disco de ces mêmes années, je retiendrai deux titres fulgurants qui me marquèrent à vie pour le restant de mes jours : « Radioactivity » de Kraftwerk et « Video killed the radio star » des Buggles. Ils sont ancrés dans mes veines, dans mes gènes, dans mon esprit, dans tout mon corps.
A l’école, pendant les cours, je ne comprends rien à ce qui se passe, je suis dans un nuage, je dessine, ce qui me conduira sans diplômes à la fin de mon parcours scolaire. Je vais travailler aussitôt dans le bâtiment, dans une usine vétuste à l’atmosphère Lynchienne de Eraserhead et d’Elephant man, puis me retrouver dans les travaux d’entretien de voirie dans ma campagne jusqu’à ce jour. Rien de spécial, à part un parcours au plus près de la masse populaire dans le milieu ouvrier et agricole.
Si, il y a un autre fait marquant dans ma vie. La création d’un comic-shop exceptionnel avec Gilles Coin à Montpellier en 1996. Comics Place fut pour moi une porte ouverte au plus près des lecteurs de comics, mais aussi des fans de séries cultes comme Twin Peaks, Star Trek, The Prisoner, The Avengers, les films et les comics Star Wars, et bien d’autres. Je remercie Gilles Coin de m’avoir permis de vivre des jours extraordinaires et des expériences exceptionnelles.


-Maintenant, parle-nous de ton parcours. Qu'est-ce qui t'a mené à la BD ?
J’ai 10 ou 11 ans, je suis à l’école primaire. Dans la cours, pendant la récré, une bande de copain sont réunis et s’agitent. Ça parle d’un dessin animé exceptionnel et grandiose qui relate les aventures d’un prince qui a dû fuir sa planète complètement anéantie par des forces du mal, à l’aide d’un robot géant, pour venir se réfugier sur Terre. Ces forces se cachent maintenant sur la face cachée de la lune pour préparer l’invasion de la Terre. Le prince ne pourra plus se cacher parmi les humains plus longtemps et devra sortit son robot de sa cachette pour aller empêcher ses forces du mal d’envahir la Terre.
Il s’agit de Goldorak. J’apprends que le dessin animé est diffusé le mardi ou le jeudi soir, je ne me souviens plus, dans l’émission d’Antenne 2 intitulée Récré A2. Je me souviens du choc que j’ai eu en regardant pour la première fois ce dessin animé. C’était grandiose. Un générique hallucinant, une musique lancinante et prenante, des personnages très attachant dès le premier jour, puis des voix françaises qui étaient exquises.
C’est ainsi que peu à peu, au fil du visionnage des épisodes et des adaptations BD qui commencèrent à sortir, comme Télé Junior - mon magazine fétiche du moment -, je vais commencer à dessiner.
Je commence à dessiner et à écrire des dialogues en inventant des aventures inédites de Goldorak, comme ça, avec un stylo Bic et des feutres, sans crayon et trames de l’histoire préalables. Tout d’instinct. Ma mémoire visuelle et empathique me permettent d’emmagasiner beaucoup d’infos sur l’atmosphère du dessin animé.
Il se produira la même chose quand je découvrirai mon premier Strange dans les mains d’un nouvel élève arrivant de la région parisienne, dans la cour de l’école, où je vais avoir un véritable choc sur un épisode de Captain Marvel avec Hulk dessiné par Gil Kane et plus tard, en 6ème, en découvrant Spécial Strange avec les X-Men dessinés par John Byrne.
Plus rien ne sera plus comme avant, et ce, malgré les aléas de la vie ouvrière et paysanne qui m’isolèrent dans ma bulle de poisson. Mon imagination se mettra en marche, quelle que soit l’heure de la journée ou de la nuit, malgré le travail physique. Tout commence à fusionner dans ma tête, et je devrai un jour, tôt ou tard, me mettre à raconter des histoires et les dessiner.


-Quelles sont tes passions, ainsi que tes goûts en matière de BD, films, musique, séries ?
Je ne lis plus beaucoup de BD. Mais des choses comme La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, Planetary, Promethea, Preacher, The Autority, Just a Pilgrim, Y le dernier homme, Locas (de Jaime Hernandez) et dernièrement Boys me font encore vibrer.
Les films : 2001 l’Odyssée de l’Espace, Il était une fois dans l’Ouest, Le bon, la brute et le truand, les Inspecteur Harry, Rencontre du troisième type, Eraserhead, Elephant Man, Alien, Predator, Robocop, Star Trek, Star Wars, Les Dents de la Mer, Kill Bill, Avatar, Le Seigneur des Anneaux, Titanic, etc. J’apprécie beaucoup les réalisations de David Lynch et de Clint Eastwood principalement. Viennent s’y coller les frères Cohen, Woody Allen... J’aime bien le cinéma indépendant, le cinéma d’auteurs et d’essai.
Les séries, c’est énorme. Elles sont devenues ma consommation première. Aujourd’hui, Fringe et True Blood. Puis dans le désordre, Weeds, The L Word, Les Chroniques de San Francisco, Hill Street Blues, Ally McBeal, The Practice, Boston Public, Rome, Desperate Housewives, Carnivale, The Shield, Six Feet Under, Angela 15 ans, The X-Files, The Prisoner, Les Mystères de l’Ouest, The Avengers, Les Envahisseurs, Starsky & Hutch, Magnum, Buffy the Vampire Slayer, etc.
Twin Peaks et Wild Palms sont deux perles qui me marquèrent à tout jamais. Les séries Star Trek que je redécouvre aujourd’hui, que je n’avais vu que par morceaux par le passé. Battlestar Galactica et Doctor Who. Il y a de très bonnes séries de très bons niveaux.


-Ont-elles une influence sur tes BD ?
Eh oui, après les Goldorak dans les années 70 et les comics super-héros dans les années 80, les années 90 furent la découverte des séries dans le fond. Je remarque très vite à l’époque la touche personnelle d’un Steven Bochco, d’un David Lynch ou d’un David E.Kelley.
C’est aujourd’hui qu’elles m’influencent le plus, dans l’écriture de mes scénarios, la mise en scène.
Par exemple, l’idée des flash-backs dans GD me vient directement des premiers épisodes de Lost. C’est une idée que j’ai d’abord testé dans le troisième récit que j’ai écrit sur Buzz Comics, « L’Ombre et la Poussière » que je dois conclure sous peu pour le publier après « Dans les Nuages Clairs ».
Elles ont une très grande influence sur mes scénarios et mes récits, c’est certain.


-Quelle a été ta première BD ?
Etoilan, le Dieu des Étoiles. Un épisode de 17 pages BD que j’auto-publiai pendant l’été 1986 (j’avais 18 ans) dans l’unique numéro d’Action Combats que j’avais créé pour l’occasion. C’était très mal dessiné. Ça raconte l’histoire d’une sorte de Silver Surfer perdu dans l’espace en quête de son identité. Est-il un homme ou un dieu ? Il affronte un dangereux super-vilain du nom de Death Star, qui menace de dévorer les étoiles, les sœurs d’Etoilan. Sur la couverture, Etoilan symbolise la vie et Death Star la mort.

-Pourquoi avoir créé Georges Daniel ? D'où t'est venue cette idée ?
J’ai créé Georges Daniel au début des années 90, dans le fanzine Twin Light No.1 (créé avec Gilles Coin) daté de Janvier 1991. Le nom m’est venu complètement par hasard, pendant toute une nuit, après une recherche de formules diverses et variés de prénoms et de noms sur mon bloc à lettres petits carreaux (j’adore ces énormes blocs épais pour écrire). Je voulais un nom simple et mémorisable rapidement. Pas de « Strange Man » ou de « Docteur Magnifique », je voulais sortir du moule super-héros au nom américain percutant. Et puis, je voulais humaniser le personnage qui venait de découvrir des pouvoirs incommensurables cachés au fin fond de son être.
Avec Gilles Coin, nous voulions continuer l’esprit Twin Peaks à travers deux séries BD respectives, lui « Spirit of W » et moi « Sharp Blades ». Twin Light symbolisait nos deux personnes et en même temps était un clin d’oeil à Twin Peaks.
L’idée de GD m’est venue à l’issue dramatique à la fin de Twin Peaks, [SPOILER POUR CEUX QUI N'ONT PAS VU LA FIN DE CETTE SÉRIE !] quand l’Agent Spécial Dale Cooper se retrouve piégé de son destin. Un homme aussi parfait, intelligent, prudent et sûr de lui, se faire berner par le terrible Bob the Killer, l’esprit chasseur des âmes faibles, me rendit malade. [FIN DU SPOILER] J’ai créé GD pour transcender l’Agent Dale Cooper auquel je m’étais vraiment trop attaché dans la série.


-Attention, grande question : si on te proposait de reprendre une série actuelle en BD (qu'importe l'origine), laquelle choisirais-tu ?
True Blood, la saison II, qui est vraiment exceptionnelle dans le cadre du fantastique, des vampires et des êtres étranges et puissants. C’est un peu comme si Buffy contre les Vampires avait rencontré Twin Peaks en frôlant dangereusement Preacher.

-Même question, mais avec une série disparue.
Ah, ah, sans hésitation, Twin Peaks.

-De quelle manière t'y prendrais-tu ?
Et bien, je reprendrais tout le concept, toutes les intrigues et tous les personnages à partir du dernier épisode télévisuel, voilà. J’avais pensé aussi à un moment donné à un Twin Peaks vingt ans plus tard. Il y a beaucoup à faire pour un auteur fan de la série, ça c’est certain. Un potentiel énorme d’idées, d’intrigues, d’aventures même.

-Quel serait ton crossover rêvé, aussi improbable soit-il ?
En regardant l’excellent cliffhanger du dernier épisode de la saison I de Fringe, je me suis dit qu’un cross over avec Star Trek, même improbable soit-il, pouvait être imaginable.
Mais en matière de série, j’ai longtemps rêvé d’un crossover Twin Peaks avec The X-Files. Quand je pense qu’à l’époque des dernières années de X-Files, la rumeur comme quoi David Lynch réaliserait un épisode circulait, je me prête à rêver.


-Y a-t-il des choses qui t'agacent dans la BD en général ?
L’album cartonné à la Franco-Belge et le Hardcover. Je leur préfère la souplesse d’un single comic ou d’un TPB. La fantaisie à outrance, enfin un peu, dans le Franco-Belge. Les sagas crossover dans les comics super-héros. La violence gratuite et le sang qui gicle dans les cases des comics super-héros aujourd’hui. Que DC se soit un peu trop Marvelisé.
Ce qui m’agace vraiment, c’est que l’on a voulu humaniser les super-héros à l’extrême. Je n’y trouve plus le plaisir d’antan, où les histoires étaient plus fantastiques, fantaisistes avec de la science-fiction. Je n’aime pas le concept d’organisations gouvernementales, de secret défense.
Je reste très attaché au super-héros livré à lui-même, hors-la-loi, libéré de tout carcan géopolitique, rejeté par l’humanité. C’était la bonne formule et la plus réaliste, puisque encore aujourd’hui, l’homme est effrayé par l’inconnu, la différence et ce qu’il ne comprend pas.


-As-tu d'autres projets, même fantaisistes, que tu aimerais mener à bien ?
J’ai promis à Master de lui faire une série super-héros que j’ai sorti des cartons pour 2016, le fanzine de demain. J’ai déjà montré les première pages commencées il y a plus d’un an. 
Ça s’appelle Union Forces.
J’ai beaucoup de travail avec GD, puisque j’ai un planning d’épisodes jusqu’en 2013. Je veux arriver à sortir un numéro tous les trois mois avec un épisode BD d’au moins 15 pages, donc c’est déjà un énorme travail.
Dans le temps, j’ai deux idées de spin-off, dont un pourrait voir le jour sous la forme d’une histoire complète que je découperai en plusieurs parties, dessiné par Eric Van Elslande.
Il s’agit de Claire, un personnage qui va prendre peu à peu sa place dans l’univers du GD.
Le deuxième spin-off serait avec un personnage emblématique du récit "L’Ombre et la Poussière". Mais ça, c’est une autre histoire plus loin dans le temps.
Je me prête à rêver à un magazine Grand Dédale avec trois séries régulières. C’est fantaisiste pour le moment.



- Question subsidiaire : Georges Daniel aime-t-il les chips ?
Certainement, puisque j’adore les chips !

- Je te laisse maintenant le mot de la fin, et te dis merci et bonsoir.
Oh et bien, ce fut un réel plaisir et un honneur d’être interviewé pour la première fois par un gars assez sympa qui pose des questions intéressantes, que j’espère croiser un jour dans les couloirs des festivals BD/Comics.
Le mot de la fin ? Longue vie et prospérité à la bande dessinée fantaisiste et à la BD tout entière. Je ne pourrai pas vivre sans elle. C’est un medium d’excellence qui privilégie l’écriture et l’art graphique. Jamais un film, une série, ou même un jeu vidéo ne pourra remplacer ou égaler la bande dessinée. Je suis un fervent défenseur de la BD.
Je te remercie et j’invite tout le monde à entrer dans le Grand Dédale !


A noter : le numéro 1 de Grand Dédale va faire l'objet d'un nouveau tirage, mais vous pouvez d'ores et déjà le réserver avec les numéros 2 et 3. C'est simple, il suffit de suivre les indications du lien ci-joint, qui sert aussi de fil d'actualité : http://buzzcomics.net/showthread.php?t=30595

1 commentaire:

  1. Heureuse que l'on ai donné la parole à Gilles, qui nous fait parager son univers, son monde.
    Tous les rêves sont possible, à la condition de travailler et de ne jamais arréter de rêver...jamais, même si quelques fois le vie nous ratrappe !
    créativement !
    N@th@lie

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